Lorsque l’on parle des villes où il fait bon pédaler en France, deux noms ressortent régulièrement. Vaut-il mieux faire du vélo à Nantes ou du vélo à Strasbourg ? Comment ces deux villes qui, a priori, n’ont pas grand-chose en commun, se sont imposées comme potentielles capitales du vélo dans l’Hexagone ? Retour sur un match à distance qui a propulsé les deux cités françaises sur la scène cyclable européenne.

Avant la rivalité, l’élan cyclable français au début des années 2010

Grenoble, une politique cyclable avant-gardiste

Aménagement vélo à Grenoble © RdA Suisse – Flickr

À l’aube l’an 2000, la France commence un nouveau millénaire placé sous le signe de l’hégémonie de la voiture. Pourtant, quelques villes avant-gardistes semblent se démarquer sur la question de la mobilité douce. C’est notamment le cas de La Rochelle dont le premier schéma directeur en faveur de la bicyclette est voté dès 2002 dans le but de développer un réseau cyclable continu. C’est aussi au début des années 2000 que Grenoble, motivée par l’urgence de lutter contre la pollution qui se fait de plus en plus dense dans la ville « cuvette », initie une forte politique d’aménagement de son territoire, pour notamment favoriser l’usage du vélo. Idem pour Chambéry au pied des Alpes.

Toutefois, les quelques rares élans cyclables ne touchent encore que des petites villes françaises et restent assez peu médiatisés. Il faut attendre les années 2010 pour que les grandes métropoles engagent à leur tour de vrais Plan vélo. Nantes en 2009, Toulouse et Lille en 2011, Bordeaux et Montpellier en 2012, Lyon en 2013, Paris et Rennes en 2015 ou Marseille seulement en 2019…

Nantes et Bordeaux entrent dans le classement Copenhagenize 2013

Classement 2013 des villes cyclables © Copenhagenize

En 2011, selon le premier classement mondial des villes cyclables de Copenhagenize, Paris est, avec sa 8ème place, la première et seule ville française… C’est dire. Il faut attendre 2013 pour voir l’élan de politiques cyclables en France commencer à porter ses fruits. Cette année-là, Bordeaux et Nantes intègrent le fameux classement respectivement à la 5ème et à la 6ème place. Paris est logiquement relégué à la 19ème place. Deux ans plus tard, en 2015, Strasbourg entre dans le classement et recolle avec les deux cités atlantiques. Grâce à des politiques cyclables audacieuses et avant-gardistes, elles s’imposent comme trois potentielles capitales du vélo dans l’Hexagone.

Du côté gauche, la nouvelle cité du vélo Nantes

2015, l’année de la consécration pour le vélo à Nantes

Nantes devient officiellement la première ville cyclable de l’Hexagone en 2015, avec une 6ème place à l’index Copenhagenize. Cette même année, la Cité des Ducs est désignée pour organiser le congrès Velo-city. Un événement qui donne à Nantes l’envergure d’une ville internationale du vélo, après avoir déjà été désignée « capitale verte » de l’Europe en 2013.

>> A LIRE AUSSI : Vélo-city: Nantes capitale mondiale du vélo

Le vélo atteint les 3% de part modale – et un peu plus de 6% pour les déplacements domicile-travail – ce qui à l’époque est un bon chiffre pour une ville française. Nantes est aussi une des premières villes françaises à voir apparaître un phénomène nouveau, les entrepreneurs à vélo. Les « Boîtes à vélo », un collectif rassemblant plusieurs de ces entreprises nantaises est même créé en 2013.

Comment Nantes s’est mise au vélo

Nantes a su aménager son centre-ville aux transports

Tramway et Bicloo à Nantes © Jean-Louis Zimmermann – Flickr

Un engouement pour la petite reine qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs. D’une part, Nantes offre des conditions idéales pour la pratique du vélo. Une ville à taille humaine ainsi qu’un climat et un relief plutôt favorables en font un endroit parfait pour le développement de la bicyclette. D’autre part, les politiques municipales successives se sont très tôt fixés des objectifs pour protéger leurs monuments historiques en agissant contre les nuisances liées à l’automobile.

Sous l’impulsion de Jean-Marc Ayrault, élu maire en 1989, le réaménagement du centre-ville fait la part belle au développement des transports alternatifs à la voiture. Réintroduction du tramway, création de lignes de bus en site propre, mise en place d’un système de VLS et de zones de trafic limité qui favorisent la pratique du vélo… La ville se fixe comme objectif d’égaler les métropoles « qui comptent en Europe » telles que Bordeaux, Grenoble ou… Strasbourg. Une démarche qui sera poursuivie par ses successeurs à la mairie Patrick Rimbert puis Johanna Rolland.

Il faut également mettre en évidence le rôle des différentes associations nantaises qui ont joué un rôle décisif dans cette course à la « vélorution ». L’association de cyclistes nantais « Place au vélo » notamment s’est mobilisée pour promouvoir la petite reine en exigeant par exemple un meilleur balisage des voies cyclables et une meilleure organisation des infrastructures cyclables de la ville.

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Du succès à l’engourdissement

Cependant, rien n’est jamais acquis, et être la capitale française du vélo est un statut qu’il faut entretenir. Et Nantes semble se reposer sur ses acquis. Malgré les 50 millions d’euros accordés au Plan vélo 2015-2020, les objectifs paraissent moins ambitieux que dans les autres villes françaises. La métropole nantaise vise les 12% de déplacement à vélo d’ici 2030. Soit déjà moins qu’à Strasbourg en 2019.

C’était aussi sans compter sur la progression des autres métropoles françaises. Aujourd’hui, de nombreuses villes ont comblé leur retard, et ont même parfois doublé la capitale des Ducs de Bretagne. À titre de comparaison, le budget accordé au Plan vélo de Bordeaux en 2017 s’élève à 70 millions d’euros pour un objectif de part modale de 15% en 2020… Au classement Copenhagenize 2017, Nantes chute à la 16ème place. L’ex-future métropole prometteuse en matière de bicyclette est même sortie du dernier classement de 2019.

>>> A LIRE AUSSI : Les élections municipales 2020 à Nantes et le vélo

Du côté droit, le vélo à Strasbourg : des efforts politiques gagnants

Une politique cyclable commencée très tôt pour Strasbourg

Aux abonnés absents des classement au début de la décennie, Strasbourg progresse à son rythme. Et pendant que Nantes s’enorgueillit de son statut de première ville cyclable française, les politiques cyclables engagées dans la capitale alsacienne depuis la fin des années 70 portent leurs fruits. S’inspirant du modèle allemand, et notamment de la ville de Fribourg, à une soixantaine de kilomètres de l’autre côté du Rhin, Strasbourg a doucement construit son réaménagement. Le premier schéma directeur vélo remonte à 1978. Largement encouragé par l’association CADR67 qui milite dans la ville depuis plus de 40 ans pour promouvoir le vélo comme moyen de déplacement à part entière.

Strasbourg, capitale française du vélo

Une station Velhop à Strasbourg © Ralf Roletschek – Wikimedia Commons

Strasbourg a fait aussi le choix de mettre en place un service de location de vélo longue durée, Vélhop lancé en 2010, plutôt qu’un système « one way » que l’on retrouve généralement dans les autres villes comme à Nantes, afin de donner à ses habitants le goût du vélo. C’est peut être d’ailleurs en ce sens que Strasbourg se distingue car, au-delà des aménagements, elle a su instaurer une vraie culture vélo forte et solide au sein de la ville. Une politique vélo qui est également prise très au sérieux par les élus. Il n’est pas rare de voir Roland Ries, le maire de Strasbourg, sur un vélo. La ville de Strasbourg a même testé la réduction des amendes cyclistes, sans succès. Mais elle innove et tente le coup.

>> A LIRE AUSSI : Vélhop, le service de location de vélos de Strasbourg

Le vélo à Strasbourg : hausse et fin par K.O. de la rivalité cyclable

L’enquête sur la mobilité dans le Bas-Rhin publié par l’Agence de Développement et d’Urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise en 2019 indique que l’usage du vélo augmente, tandis que celle de la voiture recule. Entre 11 et 16% – selon les différentes études – de ses habitants se déplacent à vélo. Un record absolu dans l’Hexagone.

Evolution de la part modale à Strasbourg, le vélo en hausse

© ADEUS – Enquête mobilité 2019

À l’heure actuelle, Strasbourg reste seule pour le titre de capitale française du vélo.

>>> A LIRE AUSSI : Le vélo aux municipales 2020 à Strasbourg

[article publié le 27 octobre 2014 et mis à jour le 10 décembre 2019]

À propos de l’auteur : Jean-Baptiste Lasserre

5 de commentaires

  1. […] Pour découvrir d’autres villes françaises où il est bon du faire du vélo, lisez l’article La ville la plus cyclable de France : Nantes ou Strasbourg ? […]

  2. Des autoroutes pour vélo - Citycle 22 novembre 2014 at 11 h 01 min - Reply

    […] y a toute de même des progrès en France à propos de la pratique du vélo. Selon vous, de qui Nantes ou Strasbourg est-elle la ville la plus cyclable de France ? Réponse sur […]

  3. LeCyclo.com 28 octobre 2014 at 8 h 53 min - Reply

    La course est lancée… :)

  4. Patrick Roulleau 27 octobre 2014 at 13 h 10 min - Reply

    Vous oubliez Bordeaux……!

  5. Olivier Burine 27 octobre 2014 at 13 h 09 min - Reply

    Et Grenoble ( le 38 ) est la ville la plus plate de France je crois non ?… Pneus renforcés type Schwalbe recommandés car les pistes cyclables sont sales et piégeuses … Bon ride.

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