Né en novembre 1970, l’entrepreneur Othello Desurmont, fondateur de Lecyclo.com, est décédé le 24 novembre; il venait d’avoir 54 ans.
Eté 2018. Il était venu me chaler sur son scooter Peugeot (« le seul qu’on ne te vole pas, même sans cadenas, contrairement aux Tmax ») à la gare Saint Charles par une belle journée d’été (« Il ne pleut jamais à Marseille »), le comble pour un vendeur de ponchos. Ciel lumineux, la Bonne Mère qui veille sur nous….On avait passé la matinée dans ses bureaux de la rue Cristofol pour revoir l’activité, la composition de l’équipe. Puis on avait mangé un poisson au Bistrot Plage. Après une deuxième session à Belle de Mai on avait embarqué sur un voilier de location, envoyé un spi, fait le tour du Frioul, avant de finir les négociations autour d’une bière au Café des Arts. Comment résister à un tel déluge de charme et ne pas investir dans Lecyclo.com ?
Entrepreneur dans l’âme et anti conformiste comme le sont les meilleurs, il avait commencé tôt en lançant Allo Apero en 1997, qui livre des apéritifs à domicile la nuit, après la fermeture des magasins, revendu avec succès. Puis avec un site de vente en ligne de matériel informatique pour la navigation, revendu à un repreneur. En 2008, année d’avènement du Velib, il avait lancé Lecyclo, convaincu que cette ouverture des villes aux déplacements à vélo marquait le début de la vélorution. Le site fut le premier à proposer des accessoires permettant de faire à vélo ce qu’on fait normalement en voiture: aller au travail, faire ses courses, emmener les enfants à l’école, par tous les temps, toute l’année. Ca peut paraître évident aujourd’hui où le nombre de magasins de vélos rivalise avec celui des pharmacies et opticiens, mais c’était très visionnaire à l’époque. Au lieu de présenter des listes insipides d’accessoires et composants comme un e-commerçant lambda, il avait organisé le site par thème et bénéfice utilisateur : sécurité, transport, confort. Au lieu de perdre les gens dans des termes techniques abscons réservés aux experts, le site se voulait le plus pédagogique possible et s’adressait au grand public. Les derniers start uppers parisiens de la mobilité active n’ont fait que le copier 15 ans plus tard.
Autour de son projet ambitieux et porteur, il avait su fédérer une équipe fidèle de profils variés, prêts à donner un coup de main en entrepôt ou à répondre à un client au téléphone, pour la plupart devenus des ami(e)s. Ils créaient la mobilité active de demain, inventaient le merchandising en ligne moderne, étaient précurseurs des bloggers et influenceurs avec le lancement de Citycle et les nombreux tutoriels sur la chaine Youtube du site.
Il avait su rendre – mission impossible pour le commun des mortels – un site e-commerce à taille humaine rentable, par un flair exceptionnel dans le sourcing, des relations fortes avec ses fournisseurs, le développement de sa propre plateforme technologique, la production de contenus à valeur ajoutée, et une très bonne gestion des couts. Pendant que les concurrents s’étripaient sur les composants VTT et route, il vendait avec des marges confortables ponchos, sacoches à fleur, selles en sky rose, rares composants pour vélos vintage, remorques et autres pépites encore disponibles sur Lecyclo (mais à des marges très inférieures post COVID). Très bon négociateur, très fin, très drôle avec un humour caustique, il donnait une énergie positive mêlée à une grande exigence, savait allier contrôle et motivation des équipes, avec de rares coups de gueule quand quelqu’un dépassait les bornes.
Pour la passation et la rencontre de l’équipe nous avions pris un verre à La Caravelle, et fini la nuit au Son des Guitares. Pour nous aider dans la transition et assurer la pérennité de sa création, il avait convaincu une ancienne collaboratrice partie pour une ONG en Amérique du Sud, de remettre le pied à l’étrier et prendre la direction marketing et communication.
Bien conscient de sa contribution unique et de ses qualités de dirigeant et de stratège, je lui avais proposé de rester associé suite à la vente. Il avait préféré s’adonner à sa passion pour la voile. Entre deux navigations au long cours, il emmenait volontiers des touristes faire le tour du Frioul via les applis de location de bateaux avec skipper. On pouvait souvent le croiser sur son vieux vélo de course au Vieux Port, entre la Nautique et le O’Malleys.
Ceux qui l’ont connu chez Lecyclo perdent un leader inspirant, un mentor, un ami. La mobilité active perd un de ses plus ardents promoteurs et Marseille un de ses plus grands fans. Longtemps nous continuerons à nous demander, quand le marché se retourne, quand de nouveaux obstacles se dressent: comment aurait fait Othello dans cette situation?
Fair winds Othello, and the following seas!
Désolé d’apprendre cette nouvelle. Avec lui nous avions commencé une collaboration active sur Bike Café poursuivie avec toi.
C’est une bien triste nouvelle et un bel hommage…
Je pense aux enfants…Je le reconnais bien a travers vos mots😓 Savez vous quand sont les obsèques ? Merci
Merci beaucoup pour cet hommage à Othello, c’est assez extraordinaire