Aujourd’hui pour ce nouveau témoignage de cyclotouriste, rencontre avec Jean-François. Électronicien de formation et mécanicien cycle reconverti, Jean-François se passionne pour le cyclotourisme et le voyage à vélo vers 30 ans. Victime d’un grave accident de la route (AVP, ou accident sur la voie publique) qui le contraint à changer sa pratique, Jean-François découvre le tricycle adulte et « remet le pied à la pédale ». Bienvenue dans les rêveries d’un cycliste solitaire.
De l’électronique au vélo : faire de sa passion son métier
Bonjour Jean-François, pouvez-vous nous raconter votre histoire avec le vélo ?
J-F – Le vélo, j’en ai fait tout petit comme tout le monde. Mon côté écolo et surtout mon goût de prédilection pour la simplicité m’ont orienté naturellement à utiliser le vélo pour me déplacer. Je suis électronicien de formation. Je travaillais dans la téléphonie et en parallèle, je réparais des télévisions et des radios. C’était les débuts de l’informatique. J’ai bricolé sur les premiers ordinateurs de type PC. J’ai finalement passé plus de 20 ans dans l’informatique et dans des grandes entreprises américaines et japonaises. Ma spécialité ? Les grosses imprimantes laser. Mais la course au rendement et les méthodes de travail ont eu raison de ma motivation. Ma passion pour le vélo et le goût du voyage me faisaient de l’appel du pied. Et c’est ainsi qu’en 2010, je me suis reconverti pour devenir mécanicien cycle.
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Quelles sont les motivations qui vous ont amené à pratiquer le cyclotourisme ?
J-F – J’ai une véritable passion pour le voyage et une certaine prédilection pour l’autonomie. Je suis un grand solitaire donc je prends plaisir à faire seul mes randonnées cyclotouristiques. Une autre de mes motivations ? Le plaisir de liberté. J’ai une horreur absolue de la compétition, et je n’ai jamais pratiqué le vélo de route. Je n’ai pas le goût de la vitesse et je ne suis pas motivé par l’idée de passer la ligne d’arrivée avant tout le monde. Je suis un peu comme les escargots. J’aime contempler mon environnement.
Je me suis mis tardivement au cyclotourisme, vers l’âge de 30 ans. J’ai commencé alors à élargir mon périmètre, synonyme de nouveaux horizons. J’ai été plus loin et j’ai commencé à faire des sorties de plusieurs jours. Je ne fais pas de brevet. J’ai trop le goût de la solitude donc les références ne m’intéressent pas.
Éloge de la liberté : premières sorties en cyclotourisme
Vous souvenez-vous de votre première sortie en cyclotourisme ?
J-F – Je suis au sud de la région parisienne, vers Rungis. Je suis parti de là et j’ai pédalé jusqu’à la côte. J’ai roulé le long de l’Atlantique en passant par le Havre puis le Tréport, en direction de la Belgique. Je suis remonté presque jusqu’à la frontière. Puis, je suis revenu vers le sud et j’ai effectué mon retour le long de la Seine.
Comment avez-vous organisé cette première sortie aussi longue ? Et comment organisiez-vous vos séjours de cyclotourisme ?
J-F – Je n’ai pas voulu faire de camping donc il m’a fallu trouver des petits hôtels et hébergements. Le fait de partir hors des mois de vacances rend la tâche beaucoup plus aisée. Les hôtels et gîtes ont de nombreuses disponibilités. Pour l’aspect équipement de voyage à vélo, ma formation m’a permis d’équiper le vélo avec un GPS. Je vous dis ça, c’était il y a 20 ans !
Plus globalement, c’est toujours une tâche délicate de trouver un lieu pour dormir ! Je n’ai jamais eu de problème pour ranger mon vélo dans une cour et j’ai même pu au Havre monter le vélo dans la chambre car j’y allais régulièrement. Je n’ai pas rencontré trop de difficulté particulière à ce niveau-là. Le plus important, c’était pour réserver. Car petite confidence : je n’ai jamais eu de carte bancaire donc c’était une difficulté supplémentaire !
Avant de partir, je dessine mon trajet et mes étapes en fonction du relief, des visites. Je regarde ensuite en fonction des étapes des petits hôtels dans la région et sur le chemin. Je m’arrange pour organiser mon voyage afin de tomber chaque soir dans des communes relativement fournies en établissements hôteliers.
Pour les routes, à l’époque les pistes cyclables étaient rares. Je faisais mon trajet comme je le faisais en voiture car je détestais les nationales et les autoroutes. J’ai toujours tracé mes itinéraires en privilégiant les départementales.
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Dans quel mesure votre accident a-t-il changé votre pratique ?
J-F – J’ai eu un grave accident à vélo en 2014. Je travaillais en tant que mécanicien dans un magasin vélo à Paris, comme responsable d’atelier dans une boutique cycle à Paris. Après 15 jours dans le coma absolu, et au grand étonnement des chirurgiens, je m’en suis sorti mais en conservant de nombreuses séquelles physiques. En dépit des mois de rééducation, et en raison d’un problème d’équilibre, je n’ai jamais pu remonter sur un vélo. Mais j’ai trouvé une autre solution : le tricycle.
Depuis mon accident, je n’ai pas pu refaire de voyages à vélo, même en tricycle. Cependant, de nombreux projets de voyage bouillonnent en moi et je n’ai pas totalement exclu l’idée d’en refaire. Mais comme j’aimerais bien être seul, c’est nettement plus difficile à organiser. Si, pour beaucoup, la crevaison est une broutille, pour moi, c’est désormais loin d’être le cas !
En fait, avant l’accident, mon rêve et le projet sur lequel j’avais travaillé – car je le préparais comme un aboutissement – c’est l’EuroVelo 6, un grand itinéraire de 6 000 km qui part de l’Atlantique vers la mer Noire.
Du vélo au tricycle adulte: il n’y a qu’un coup de pédale
Pouvez-vous nous parler de vos tricycles ? Pourquoi avoir choisi ces modèles ou ces marques en particulier ?
J-F – J’ai découvert les marques de mes tricycles pendant que j’étais responsable d’atelier. J’ai trouvé un tricycle adulte de la marque HELKAMA, une marque finlandaise très connue, l’équivalent de Motobécane en France. Le gros avantage, c’est que mon tricycle HELKAMA a deux roues à l’avant et non pas à l’arrière. C’est extrêmement pratique ! Ça permet dans des chemins où il n’y a pas beaucoup de place, comme les chicanes sur les voies, de voir où on peut passer, alors qu’avec deux roues à l’arrière, on ne peut pas voir si ça passe. Un autre avantage technique ? La roue à l’arrière est la seule qui pousse le vélo. Enfin troisième raison : j’ai eu un coup de chance inouïe car j’en ai trouvé un d’occasion à quelques kilomètres de là où j’habitais et pratiquement neuf.
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Je me sers du HELKAMA pour les trajets quotidiens. C’est un tricycle urbain avec deux freins sur la roue arrière. L’autre, mon PFAU TEC, est destiné aux grandes distances. C’est un modèle deux roues à l’arrière avec un différentiel sophistiqué : les deux roues peuvent être entraînées (contrairement aux entrées de gamme) donc ça assure un confort de conduite beaucoup plus optimal. Il a beaucoup plus de vitesses que le HELKAMA et il a des freins plus puissants à disque hydraulique. C’est un tricycle électrique taillé pour la route. Ça, c’est un tricycle que j’ai connu en centre de rééducation, où l’on a eu une visite d’un représentant qui était l’importateur de cette marque en France. À l’instar de mon HELKAMA qui est équipé d’un moteur pédalier Panasoni (le meilleur que j’ai rencontré !) Mon PFAU TEC a lui une assistance électrique.
Quels conseils donneriez-vous pour choisir son tricycle pour continuer à faire du vélo ?
J-F – Tout dépend de votre profil et pourquoi vous souhaitez acquérir un tricycle. Handicap ? Besoin de porter des charges lourdes ? Personnes âgées ? Tout dépend de votre utilisation.
Que pensez-vous des aménagements cyclables en France pour personne handicapées ?
J-F – Les pistes cyclables en théorie sont prévues en largeur pour les tricycles, mais en pratique, c’est autre chose… Comme les gens mettent n’importe quoi dessus ou que certaines voitures y stationnent, je ne les utilise pratiquement jamais. Quand elles sont dessinées sur les morceaux de trottoir, c’est inutilisable avec un tricycle. Quand elles sont tracées sur la route, c’est plus acceptable.
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Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui ont eu un accident ou sont en situation de handicap pour se (re)mettre en selle ?
J-F – Donner des conseils, ce n’est pas mon fort ! Mais pour vous répondre, j’aimerais vous citer une phrase de Pascal « le bonheur c’est savoir ce qu’on veut et le vouloir vraiment ». La réponse, elle tient là. L’obstination est également un moteur.
Le vélo est pour moi une thérapie. Je ne suis pas d’un tempérament optimiste, mais sur le vélo, tout change. C’est comme si je changeais de vêtement. Pour reprendre un titre de roman de Simenon, monter sur un vélo c’est « une vie comme neuve ».
Vous aussi avez tenté l’aventure des vacances à vélo ? Participez à notre appel à témoignages sur le cyclotourisme !