D’abord coursiers, livreurs de colis puis déménageurs à vélo, la coopérative Toutenvélo développe toutes les formes de transport autour du vélo en France. Née à Rennes, cette initiative a parcouru un long chemin et ne cesse d’innover dans le domaine de la cyclologistique. Nous avons eu le bonheur d’échanger avec Olivier Girault, le directeur et responsable réseau de Toutenvélo.
Comment naît Toutenvélo, une coopérative de Rennes qui fait de la logistique à vélo ?
Comme toutes les belles histoires, cela a commencé dans un garage ! En 2009, deux entrepreneurs, Jérôme Ravard et Antoine Smati, se lancent à faire la course à vélo et la livraison de colis. À l’époque, ce n’était pas aussi d’actualité. Avec le succès de l’activité, ils se sont retrouvés à devoir transporter de plus en plus de volume. Sébastien Le Menach rejoint alors le duo avec des compétences de fabrication de remorques. Ensemble, ils développent leur propre matériel pour leurs besoins.
À partir de 2012 naît la SCOP (société coopérative de production) Toutenvélo, un projet coopératif qui a pour particularité d’appartenir à tous les salariés. Cela commence très bien et en 2014, on commence à fabriquer des remorques pour d’autres clients. Notre atelier voit le jour à ce moment-là.
Ce n’est qu’en 2015 que j’arrive dans la boîte en tant que livreur à vélo. Puis, en 2016, un confrère de Rouen est attiré par notre projet et on essaye de répéter le même modèle qu’à Rennes. On crée alors la première « freechise », une sorte de franchise sociale qui se focalise plus sur le partage que sur la redevance commerciale. On y voyait quatre intérêts :
- Partager la même marque.
- Utiliser du matériel commun.
- Mener une même activité : la cyclologistique.
- Partager les valeurs et le modèle de la coopérative
En 2018, on s’aperçoit que seuls les salariés de Rennes étaient aux manettes de la dynamique du réseau. Il nous fallait aller plus loin et nous avons décidé de créer un projet supplémentaire : la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) Toutenvélo, une coopérative multi sociétaire qui aujourd’hui permet de mieux mailler le réseau et d’être plus en consonance avec notre mission.
Les deux activités principales de la SCIC sont la fabrication de matériel et la coordination/formation des équipes. Depuis, on a multiplié les SCOP en France et on cherche à se déployer dans des villes de plus de 100 000 habitants (il y en a une cinquantaine). Quant au choix des sites, cela dépend des porteurs de projets qui s’adressent à nous.
Revenons sur la création des SCOP : comment devient-on porteur de projet ? Quels sont vos critères de sélection ?
Deux fois par an, on lance un appel aux projets et ce sont les porteurs qui postulent. On sélectionne les plus pertinents, on les aide à mettre en place la SCOP, on reproduit la structure et le modèle de société collective, puisqu’on le maîtrise bien. Ce qui est important, c’est qu’elles soient ancrées dans le territoire et qu’elles rendent service aux citoyens.
Autre critère de sélection : la conviction des porteurs de projets et leur engagement envers le projet coopératif. Il faut dire que le métier de livreur à vélo est difficile. Il est physique et les marges commerciales sont parfois décourageantes. Mais la structure de la coopérative est une bonne façon de résoudre ces problématiques et l’on évite aussi le turn-over des sociétés à but purement lucratif. Avoir une marque commune et travailler en coopérative fait que Toutenvélo croît quand tout le monde y croit !
Malgré la reproduction du schéma et les services de logistique communs, chaque SCOP a ses spécificités et des activités complémentaires. La Rochelle propose la réparation de vélos cargo tandis que Caen offre des services de compostage.
Si vous avez un projet, vous pouvez être au courant via le site web, sur les réseaux sociaux. Mais ce qui marche le mieux, c’est le bouche à oreille.
Comment a évolué votre catalogue depuis 2014 alors que vous lanciez vos premières remorques ?
En plus des remorques vélo utilitaires, on a commencé à commercialiser des « vélos tracteurs ». Ils intègrent un cadre plus robuste et des freins à disque hydrauliques, entre autres. Pour cela, on s’est rapproché d’un fabricant spécialisé. La gamme sera plus étoffée dans les années à venir.
Autrement, notre gamme est assez large et s’adresse aux cyclologisticiens. On vend des plateformes qui supportent 300 kg de charge, suffisamment dimensionnées pour le déménagement à vélo. Aujourd’hui, on peut transporter l’armoire normande de mamie dans une remorque, ce qui interroge pas mal les passants ! En outre, c’est une activité par équipe contrairement à la simple livraison.
On fabrique donc les caissons pour la cyclologistique, les plateaux et les plateaux ridelles pour transporter les meubles. Puis, on a une gamme pour des applications métiers non standardisées. Elle s’adresse aux électriciens, aux plombiers, au « street food », bref, à tous les projets autour du vélo. Par exemple, à Rennes, Toutenvélo propose la collecte des encombrants que les particuliers ne peuvent pas porter jusqu’à la déchetterie.
On fait du sur-mesure et on met au service des clients notre savoir-faire. Cela reste du B2B (transactions entre entreprises), puisque les prix sont relativement élevés, même s’ils sont en accord avec les produits. Puis, les volumes de chargement sont assez énormes et ça n’intéresse pas le particulier. En effet, on ne transporte pas une machine à laver tous les jours !
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Quelle est la part de ventes entre les remorques standard et sur mesure ? Avez-vous des exemples de remorques insolites ?
Je dirais qu’on fait 1/3 sur mesure, 1/3 de pièces standards (qui ne concerne pas la cyclologistique) et 1/3 de remorques pour la cyclologistique.
Parmi les projets insolites, dans quelques jours, une remorque-caravane sortira de l’atelier. Sinon, nous avons eu une remorque pour planches de surf et une remorque-stand assez looké pour devenir un point d’information mobile dans le cadre de la refondation d’un quartier. L’idée était d’aller chercher les citoyens au lieu d’espérer qu’ils viennent !
Généralement ces idées ne viennent pas de nous mais des clients. On a un bureau d’étude pour concevoir ces projets et appliquer nos produits au service des clients. Naturellement, il y a des projets farfelus qui ne peuvent pas être développés, du moins, pour le moment.
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Comment se positionne aujourd’hui Toutenvélo par rapport au made in France ?
C’est ce qu’on défend depuis tout le temps. À l’époque où le projet s’est lancé, on n’avait pas trop le choix d’ailleurs. Il n’y avait pas d’offre pour les professionnels de remorques pour transporter des charges. Il nous fallait donc avoir des produits dimensionnés pour nos propres besoins.
En fabriquant nos produits, nous étions sûrs de la robustesse du produit avec un esprit low-tech. Cela veut dire qu’on cherche à faire des remorques vélo solides et simples à réparer soi-même en cas de besoin.
Quant aux matières premières, on utilise de l’aluminium et de l’inox. Le bilan carbone n’est pas optimal, mais pour le moment c’est la meilleure alternative. On ne le remet pas encore en cause, car il offre le meilleur compromis, mais il faudra revoir ce choix à terme.
Quel a été l’impact du Covid ? Depuis le plan vélo, notez-vous une évolution de votre business ?
L’ impact du Covid est globalement positif à deux niveaux.
Premièrement, la structure de coopérative a fait que, lorsque tout a éclaté, le dialogue social était déjà là. On n’a pas eu de problème pour se mettre autour de la table et se mettre d’accord pour continuer. Le besoin de transport était réel et nous étions des rares transporteurs à pouvoir travailler.
Puis, avant le Covid, on parlait de transporteurs ou coursiers à vélo, tandis qu’aujourd’hui, on fait de la cyclologistique. La pandémie a mis en évidence l’existence d’une activité intéressante à développer. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui avec la crise énergétique. Le vélo dans sa globalité a le vent en poupe, et chez Toutenvélo on travaille activement pour la cyclomobilité.
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Comment Toutenvélo se projette d’ici 2030 ? Après Rouen, Grenoble, Marseille, Caen, La Rochelle, Le Havre… aurez-vous une présence à l’international ?
Actuellement, on vend à l’étranger mais c’est anecdotique. La structure de la coopérative limite un peu le développement à l’international, et puis en France, il y a tellement de retard à rattraper !
Pour ce qui est de la projection, soyons fous et disons que d’ici 2030, Toutenvélo sera présent sur 25 territoires en France, avec 300 salariés.
Je pense qu’on a un bel avenir devant nous. Hier, c’était le tout-en-automobile qui s’est développé, aujourd’hui, on cherche à faire tout en vélo. Peu à peu, la bicyclette va s’ancrer dans les cultures.