Le free-floating, le libre-service sans station

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Jean-Baptiste Lasserre,
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Le free-floating, le libre-service sans station

L’année 2018 a vu une véritable horde de vélos se déployer dans les rues françaises. Jaunes, bleues, vert pomme ou blanches, des centaines de bicyclettes sont apparues sur les trottoirs de nos centres-villes. De nombreuses start-up se sont, en effet, lancées dans l’engouement du free-floating, portées par la massification de l’usage des smartphones et des objets connectés. Mais qu’est ce qui se cache exactement derrière le vélo en free-floating ?

Le free-floating, qu’est-ce que c’est ?

On l’entend et on le voit aujourd’hui quasiment partout, le free-floating est sur toutes les lèvres. C’est peut-être même le mot de l’année. Mais concrètement, qu’est qu’il signifie? Littéralement, il désigne un système de libre-service intégral. Le terme free-floating a toutefois commencé à être largement utilisé pour désigner les « vélos en libre-service sans station », puis tous les moyens de locomotions en libre-service.

En effet, contrairement aux vélos libre-service traditionnels tel que le Vélib’ par exemple qui sont rattachés à un réseau de stations avec bornes, ce type de solution ne nécessite ni borne d’attache ni station. Le vélo en free-floating est donc une bicyclette disponible en libre-service partout et à tout moment.

Système de dévérouillage sur un oBike
© Tzuhsun Hsu – Wikimedia Commons

Ces vélos sont équipés d’un système de cadenas connectés et géolocalisables permettant de localiser, sécuriser et déverrouiller la bicyclette. À l’aide d’une simple application de smartphone, il est possible de repérer un vélo disponible puis de le déverrouiller et de le libérer. Ce système commun permet à l’usager d’utiliser la même application dans toutes les villes où l’opérateur est présent.

Des services en free floating existent aussi pour d’autres modes de transport : trottinettes électriques, voitures ou encore scooters électriques.

>> A LIRE AUSSI : quelle règlementation pour les trottinettes ?

Les différents services de free floating

Il existe aujourd’hui en France de nombreux opérateurs de bicyclettes en free-floating. Ces nouveaux acteurs de la mobilité proposent cependant plus ou moins la même chose. Les différences entre les opérateurs sont liées aux modèles des vélos et à l’alimentation matériel (GPS, cadenas, lumières du vélo).

Les pionniers asiatiques en échec

Gobee.bike est le premier opérateur de vélo en free floating à être apparu en France. Le célèbre vélo vert est apparu dans l’Hexagone fin 2017. En octobre, la firme hongkongaise déploie 400 vélos à Lille, puis à Paris quelques jours après. Le service s’étend ensuite à Reims et à Lyon. Le vélo de la startup au logo abeille se distingue par sa couleur, très voyante. Il est alimenté par un petit panneau solaire placé au fond du panier fixé à l’avant du vélo qui permet de géolocaliser la bicyclette et de verrouiller le cadenas. Toutefois, les Gobee.bike sont très vite confrontés à plusieurs problèmes : dégradations, disparitions de vélos. Et même destruction massive de la flotte dès le début de l’année 2018, comme à Lyon par exemple. La société se retire alors des 4 villes françaises dans lesquelles elle s’était implantée. En février 2018, elle quitte définitivement l’Hexagone.

Un VLS Ofo posé devant des Gobee.bike
© Popolon – Wikimedia Commons

Mais les véritables pionniers en la matière sont 3 géants d’Asie. Les chinois Mobike et Ofo et l’entreprise de Singapour oBike. Déjà présents sur le marché asiatique depuis 2016, ils investissent la France dans la foulée de Gobee.bike. oBike installe d’abord 500 vélos dans la capitale en novembre 2017, suivi par Ofo en décembre, puis Mobike en janvier 2018. Avec des réussites toutes relatives… Ofo annonce la mise « en pause » de son service à Paris en décembre 2018. OBike annonce, lui aussi, de son côté son retrait du marché français au cours de l’année 2018. Mobike trouve, quant à lui, un exutoire en signant un partenariat d’exclusivité avec Transdev en janvier 2018, mais semble aujourd’hui sur le point de se retirer.

La résistance des opérateurs français

Dès le 23 octobre 2017, la startup Pony Bikes, fondée à Oxford par deux français investit Angers et déploie ses vélos bleu turquoise dans les rues angevines. Mais la petite française prend son temps. Et cela semble être une stratégie payante. 500 vélos en libre-service sont toujours disponibles à Angers, et Pony Bikes prévoit prochainement de s’installer à Nantes et à Bordeaux.

Des vélos free-floating Indigo Wheel à Lyon
© Micka13 – Wikimedia Commons

De son côté, l’entreprise de gestion de parking et de stationnement Indigo, ex Vinci Park, lance elle aussi son service de vélo en free-floating Indigo Weel fin 2017. Souhaitant investir le marché du VLS depuis quelques temps, Indigo s’était vu refuser un partenariat avec JCDecaux au moment du renouvellement du contrat des Vélib’ parisiens. La société avait alors créé le consortium Smoovengo avec Smoove, dont elle possède un tiers des parts et qui avait finalement gagné l’appel d’offre. Le vélo blanc Indigo en free-floating débarque toutefois à Metz en décembre 2017 puis s’étend à Tours, Bordeaux, Lyon et Toulouse en 2018. On parle toutefois de free-floating intermédiaire. Le concept est le même, à la différence près que les vélos se déposent sur des aires dédiées, théoriquement équipées d’arceaux.

Au début de l’année 2019, Indigo a renouvelé une partie de sa flotte avec une nouvelle version améliorée de son vélo, et s’est lancé dans le scooter électrique en free floating.

Les opérateurs français semblent avoir tiré les leçons de leurs concurrents asiatiques en évitant la capitale. Ce qui leur permet pour le moment de survivre. C’est désormais le géant Uber qui, après Berlin et Lisbonne, vient de déplaoyer le 11 avril dernier ses vélos électriques Jump à Paris,

Les autres services de free-floating en France

Des trottinettes en libre service
© Sebleouf – Wikimedia Commons

Au cours des derniers mois, la France a assisté à un assaut d’opérateurs d’un nouveau genre. Après les vélos en free-floating, ce sont désormais les trottinettes électriques en free floating qui font la une de l’actualité. À Paris, pas moins de 10 opérateurs se partagent aujourd’hui le marché : Lime, Bird, Bold, Wind, Tier, Voi, Flash, Hive, Dott et le dernier arrivant Ufo.

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Dans le même temps Indigo Weel a lancé ses premiers scooters électriques partagés, sans borne de stationnement, sans bruit ni gaz polluant à Toulouse en novembre 2018 puis à Lyon début 2019.

Un modèle qui génère de nombreuses craintes

L’invasion massive soudaine de ce nouveau modèle dans les villes françaises soulève toutefois de nombreuses interrogations. La question de l’espace public, si chère aux décideurs politiques, a été envahie par le marché de manière incontrôlable. Et si certaines villes prennent des initiatives visant à réglementer le free-floating, la plupart semblent être dépassées par ce phénomène.

Une épave de Gobee.bike dans les rues de Paris
© Oliver_H – Wikimedia Commons

Le free-floating pose le problème de l’envahissement de l’espace public. Stationnement gênant, abandon de vélos et d’épaves sur la voie publique… Quelle place pour les entreprises privées dans un espace censé être régi par les pouvoirs publics ? D’autant plus lorsque la question de leur réglementation et de leur place n’a pas été anticipée. L’arrivée de ces nouveaux systèmes, qui ne nécessitent ni travaux de génie civil ni accord des collectivités, posent la question de l’occupation de l’espace public. Qui n’a pour l’instant aucun cadre juridique. Une nouvelle solution « hors de la tradition urbanistique française » qui bouscule les codes de l’espace public, selon Marie-Hélène Massot, professeur à l’École d’urbanisme de Paris.

Une conséquence découle aussi de ce modèle : les coûts pour la collectivité. Des coûts cachés indirects liés à l’entretien de l’espace public. Le coût de la délinquance, comme le travail de la police pour enquêter sur les nombreux vols par exemple. Mais aussi le coût de l’organisation de l’espace et du désordre lié à l’abandon des montures dans les centres-villes puisqu’il faut à un moment débarrasser les vélos abandonnés.

Pour Frédéric Héran, Maître de conférences en économie à l’Université de Lille 1, « toutes ces bicyclettes sont bientôt considérées par tout le monde comme des épaves et traitées comme telles. Elles s’entassent dans les rues avant d’être évacuées. En France comme ailleurs, les vélos en free floating, qui ont inondé les grandes villes, sont pour la plupart dégradés et inutilisables. »

Un bilan mitigé

Un Gobee.bike attaché avec un cadenas personnel
© Tanguy Petit

D’un côté, la récente enquête menée par l’opérateur de trottinettes en libre-service Lime auprès de ses utilisateurs tend à confirmer les bienfaits du free floating sur les comportements des usagers. En effet, ces nouveaux services inciteraient les citadins français à laisser leur voiture au garage, en leur permettant de se tourner vers des modes de transport plus doux. 59% des usagers interrogés affirment avoir remplacé, au moins partiellement, l’utilisation de leurs véhicules motorisés individuels, notamment scooters et motos.

Toutefois, que reste-t-il aujourd’hui des vélos free floating dans nos villes françaises ? Quelques montures stationnées çà et là. Des épaves flottantes à la surface des fleuves ou abandonnées dans des recoins. Chez Goobe.bike France, le chiffre d’un millier de vélos volés et 3 400 vélos dégradés a été avancé. On croise même parfois des montures attachées à des arceaux avec des cadenas personnels. La grande partie semble toutefois avoir disparu. Les opérateurs de vélos en free-floating semblent aussi avoir été largement fragilisés par l’arrivée des trottinettes free floating.

Et Catherine Pilon, maire adjointe de Montreuil chargée des transports et des déplacements de conclure. « Le vélo a déjà des ennemis avec les automobilistes, il ne faudrait pas qu’on se mette des piétons à dos avec des mauvais usages. ». Une inquiétude révélatrice de la place encore dérisoire du vélo dans les villes françaises.

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4 comments

  1. Bonjour à Vous,
    Nous sommes installé en Italie, en Belgique et en Espagne ! Bientôt en FRANCE pour étudier et mettre au point des solutions climatiques et une des principales est le remplacement des voiture pétrolivore pas des mobilités douces pour les courtes distances
    Il faudra donc des parkings sécurisés, des points de charges et de services, pour le chemin du travail ou des écoles et le tourisme.
    Avez vous déjà des solutions a ce sujet ?

    1. Bonjour, vous parlez de plusieurs points importants dans la mise en place du système vélo. Nous avons une rubrique sur le stationnement à vélo qui contient plusieurs articles pouvant vous renseigner à ce sujet.

  2. C’est dommage qu’il y ait autant de dégradation en France…
    Je suis allée quelques jours à Copenhague, et la plupart des vélos étaient en free-floating. On pouvait donc localiser les vélos avec une application, aller les chercher, et pour les redéposer une fois la location finie, il y avait des endroits bien définis et en nombre satisfaisant un peu partout dans la ville sur l’application et avec un nombre limité de vélo. On ne pouvait par exemple pas verrouiller et rendre son vélo en dehors de ces zones (ce qui évite de lâcher un vélo dans un cours d’eau par exemple puisqu’on continue de payer).
    Je pense que c’est aussi une question de culture et de respect, là-bas le vélo est très développé et facile d’utilisation avec des aménagements sécurisés et très pratiques (même pour des novices).

  3. Le free floating est un sujet d’avenir !
    Il y’a également ce service de free floating qui propose des scooters électriques

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