Inferno

Flash back : après mon baptême de triathlon en 2015 en me mesurant à l’Embrunman, défi que j’ai aimé, j’ai envisagé la suite avec certaines évidences dont le désir de relever un défi un peu plus engagé encore. Le Norseman en Norvège prenait place dans ma tête et ayant lieu au mois d’août comme Embrun, ça me convenait bien en timing.
Pour viser cette course assez folle calée donc en août 2016, il y avait une étape intermédiaire de préparation qui collait pile poil : l’Ironman de Nice le 5 juin. Une opportunité ambitieuse pour me bousculer en début de saison et plonger dans la préparation spécifique triathlon dès la fin de l’hiver. Je m’inscris donc en septembre 2015 à l’IM de Nice et me positionne pour la loterie du Norseman. C’était sans compter sur le nombre d’allumés qui ont la même idée et le faible nombre de dossards attribués : je passe au travers du tirage au sort. Pas de Norvège, pas de Norseman, pas de « rêve-qui-fait-peur » pour août 2016 !
Et pas d’alternative directe. Swissman ou Celtic –les petits frères du Norseman- ont lieu fin juin. Pas en phase avec mes envies.
Avril 2016 : je plonge dans la prépa IronMan pour Nice avec la piscine (compter les carreaux mais surtout profiter de la dynamique du club de Tri d’Aix) et je fais ma première incursion en lac le 14 avril, veille de mon anniversaire. Je voulais le faire symboliquement mais ce jour là, dans une eau à 12°c, je nagerais exactement 38m. Renoncement quasi immédiat. Avec 1% de la distance ironman de parcourue, je pose les bases ! Restent 6 semaines pour préparer les 99% restants !
Fin avril 2016…discussion opportuniste au fil de cette prépa …je découvre l’existence de l’INFERNO triathlon. Mélange de bitume et tout terrain, natation – vélo – vtt – course à pied (trail)….ça me parle tout ça !
Cette course à lieu en Suisse le 20 août autour de l’Eiger.

155km, 5650m de dénivelé positif, un format proche d’un Ironman en durée d’effort. Bingo !
Et ainsi je retombe à peu près sur mon projet initial. L’IronMan de Nice sera une belle épreuve en soit mais aussi une étape dans la préparation globale qui doit m’amener en forme olympique au mois d’août. Totale cohérence au bémol près que JO à moi seront en Suisse cet été… !
Nice le 5 juin : mon premier « you are an ironman » officiel réalisé avec l’envie et la forme du moment.
J’ai aimé découvrir le vélo de Tri et me préparer avec pendant deux mois (merci #FX pour la mise à la route !), j’ai aimé me sentir confiant en natation et me sentir à ma place dans le ‘sas moins de 1h08, j’ai aimé la météo sans trop de soleil que j’apprécie, j’ai aimé me mesurer à mon premier marathon route tout plat, j’ai aimé bien gérer ma journée, j’ai aimé mes ravitos perso –ah ça oui, j’ai aimé !
J’ai moins aimé le côté ‘centré sur soi des concurrents, l’obsession des capteurs, chiffres et gels,

J’ai moins aimé le départ pas aussi émouvant qu’on me l’avait annoncé et moins magique qu’un UTMB,

J’ai moins aimé le comportement de certains arbitres, l’esprit police-petit-chef,

J’ai moins aimé aussi ne pas être allé au bout de mon compte rendu ‘à chaud’ sur facebook (-pour les curieux, si vous souhaitez le lire…ici…maintenant…alors jetez un œil sur le post qui va suivre, le récit complet de Nice est compilé dont l’opus course à pied …en exclusivité !).
Revenons à nos chocolats suisses !
Inscription Inferno Triathlon faite via un virement bancaire (pas de paiement carte bancaire en ligne… Suisse….banques…ça ne fonctionne pas comme ailleurs), je reçois une lettre épaisse qui est envoyée à chaque coureur deux mois avant l’épreuve. Sacs de transition, bonnet de bain coureur, plaque vélo et autocollants dossards, instructions (en schpountz-allemand), tout y est.
Inferno Triathlon, 19 août, veille de course.
Comme c’est un parcours type point A – point B (on ne revient jamais au point de départ), l’organisation de la veille de course est finalement assez simple. Il faut se rendre sur place, passer à chaque ‘spot-de-transition’ (3 spots pour 4 sections) et laisser le matos dédié à chaque spot. J’ai donc tout préparé à la maison et bien guidé par mes accompagnants du week-end (mon coach et mon attaché de presse !) on part au petit matin pour 3 heures de route (parce que la Savoie étant au centre du meilleur des mondes, en moins de 3 heures on accède à tout : le Mont Blanc, les lacs, Paris, les étoiles filantes, le relais télé, l’Italie, la Suisse…et donc l’Eiger et son Inferno).
Une tournée des aires de transition d’environ 80km en voiture (le triathlon fera des détours pour le plaisir des yeux et des mollets), dépôts des sacs, vélo, matos et…NOURRITURE, on se délecte déjà du paysage. Interlaken, Wengen, Mürren, Eiger, Grindelwald, Jungfrau… on est eennnn Suisse vin diouuu !
Pour le reste de la journée, on se pose dans la vallée en dessous de Mürren lieu du départ course à pied (AT3) et des navettes du matin. Vallée encaissée mais toute plate, très typée, entourée de sommets mythiques, de glaciers perchés et de torrents cascades. Plaisir des yeux, totale évasion !
Tout étant prêt et bouclé, dodo dans la tente à 21h !

Au petit matin (5h), direction le départ à 45min de voiture. Pas besoin de prendre la navette puisque j’ai mes chauffeurs-agents-supporters qui m’accompagnent.

Inferno Triathlon: Start zur Schwimm-Strecke im Strandbad Thun

A Thun le départ est sur une plage qui fait face au lac dans toute sa longueur. Les 450 solos sont lâchés à 6h30, les 400 teams-relais (équipes de 2 à 4 relayeurs) prenant le départ 15min après.
Petit vent de face et clapot accompagnent cette natation de 3200m en ligne droite. On vise un château (aire de transition dans la cour du château). Sauf que, un château au bord de l’eau, à 3km au loin, quand le jour se lève, en natation au ras de l’eau et avec du clapot…et bien on a du mal à viser. Peloton bien moins dense que mes aventures précédentes (seulement 450 nageurs !), je trouve le temps un peu long et ne trouve pas beaucoup de pieds à chatouiller, d’aspiration dont profiter. Je m’évade dans la tête et tourne les bras comme une roue à aube (plutôt lente la roue !) et lorsque mes esprits reviennent en Suisse dans l’eau du lac, je me sens seul. Je sors la tête de l’eau personne devant, un coup d’œil à gauche, personne, autre coup d’œil à droite…ouf, un beau paquet de nageurs mais ils sont à 25-30m à ma droite, je nage parallèlement à eux mais tout seul !
Comme je n’imagine pas qu’ils se soient tous désorientés, je comprends une fois encore que je me promène et fais du rab. Ma montre affichera au final 3420m, 200m de bonus habituels, rien d’étonnant finalement !
Plus d’une heure de natation, bof, bof ! Transition soignée et me voilà parti à vélo. Même pas pris le temps de m’installer à table, à peine deux gorgées de St Yorre et deux bouchés de miam-miam. Je vérifie que mon petit appareil photo est bien à sa place dans la poche dorsal et c’est parti pour 103km et 2250m de dénivelé +.

Un parcours vélo qui grimpe tout de suite, une bosse d’environ 600m de déniv, je ne m’attendais pas à ce que ce soit raide tout de suite. Méfiez vous de ceux qui vous racontent leurs expériences passées. Avec le temps, ils oublient les vrais détails et ils idéalisent, ils subjectivisent la réalité. Mythomanie ou perte de mémoire, tout devient plus cool, plus ‘ok’. Tout juste si les montées ne se transforment pas en descente, si leurs coups de mous violents ne deviennent pas des « j’ai pu accélérer à cet endroit là » ! Mais pourquoi ne m’ont-ils pas livré la vraie vérité ? ! …
Passé cette bonne bosse et les 10km qui suivent on aborde une descente rapide avec du pilotage à haute vitesse. 82km/h en grande courbe, j’ai adoré ! Puis on longe un lac…puis un autre (en Suisse, c’est banal !) et on double les voitures par la droite avec leur bénédiction (ça c’est moins banal !).

Après pas mal de kilomètres seul, je me fais doubler par un paquet de 12 coureurs ensemble. Drafting interdit qu’ils ont dit…ah bon ? Avec mon gabarit ‘qui ne se voit pas’ et mon coup de pédale si fluide et léger, je me fonds dans ce groupe et vais profiter de 10km de mega-drafting-interdit-mais-si-bon. Pas de bras- pas de chocolat, pas d’arbitre – pas de carton (vous ne répéterez rien n’est ca pas ?).
Passé cette rigolade, nouvelle grimpette de 1350m de d+. Ca a beau être joli, dépaysant, et bien 1350m à grimper c’est très long. Une belle épreuve mentale. Cette très longue montée truffée de portions à 9-10% et surplombée de paysages haute montagne. Un régal. Sandwich fromage de chèvre, quelques photos au vol, et contemplation tout en pédalant…on en oublie le mal aux cuisses. Nouveau passage notable : 500m à 15% qu’on voit un moment à l’avance. Celui ci, on m’en avait parlé au moins ! Nouveau défi. Plusieurs cyclistes marchent. Je vais essayer de passer à la pédale. Au prix de bons zig-zags et d’un moral de vainqueur ( !) ça passe ! C’est bon pour mon orgueil mais moins bon pour mes cuissots et mes mollets. Ouaah, ça tire !
La fin de ce col n’est pas accessible aux voitures. Seuls les riverains (alpagistes et commerçants qui exercent au col), les piétons et les vélos sont tolérés. Route étroite mais goudronnée, un peu bosselée. Super ambiance. Allez hop encore une photo pendant que le glacier gronde là haut suite à une chute de séracs ! Sérac…oui miam, un bon sérac de chèvre avec du miel, qu’est ce que ça me plairait là maintenant !
A la fin de cette montée (l’altimètre accepte enfin de donner de bonnes nouvelles et annonce le point haut) un peu de pluie apporte de la distraction avec des courants d’air d’altitude. La plupart des coureurs s’arrêtent et enfilent une couche de plus. Je réfléchis à toute vitesse : après le point haut, on va redescendre et plus bas il fera chaud à nouveau donc il faudra ôter cette veste. Trop heureux de mon éclair de jugeote, j’enchaine direct en serrant un peu les dents et fonce dans la descente. Quelle lucidité ! Une descente toujours étroite, bosselée et pluvieuse. Test d’adhérence aux deux premiers freinages, dérapages contrôlés…ok je vais faire attention !
Cette descente requiert concentration et vigilance. C’est technique, sympa, je reprends du monde mais je fais gaffe quand même. Après mes déboires récents vécus avec des jantes carbone (cassées 5 jours plus tôt en pleine descente mais sans me ratatiner !), je me régale des freinages avec mes Xsirium en alu. Sentiment de sécurité.
Finalement les 1000m de descente passent vite mais sans aucun repos. Concentré, les bras sont endoloris de tant de freinage et de tôle ondulée. Un bout de plat en fond de vallée et très vite vient l’aire de transition pour sauter sur le VTT.
La pluie est toujours là, je n’ai pas froid. Je laisse mon surplus de nourriture (pas tout mangé !) et attrape un petit sac à dos qui contient du matos de réparation et un complément de miam-miam. Ovomaltine, lait concentré, sirop d’anis, cote d’Or noisettes…me voilà !
A peine 100m de couverts qu’on attaque à nouveau en montée, une route goudronnée entre de jolis petits chalets. Il pleut alors pas de ‘Heidi’ aux fenêtres. Ca grimpe sec dis-donc ! Content d’avoir des développements de VTT avec quelques pignons en réserve. Ca soulage les muscles endurcis mais ça n’avance pas bien vite. J’ai aussi gonflé mes pneus VTT à bloc (3,5bars) pour favoriser le rendement dans cette montée très roulante. Ca reste quand même de la grimpette et j’ai l’impression que l’effort de montée interminable à vélo de route était il y a quelques minutes et que déjà, c’est reparti pour 1050m de deniv.
Décidément l’Inferno Triathlon est plutôt sympa mais c’est déjà un sacré défi mental. La sensation de ne faire que monter !
Quelques ravitos échelonnent la grimpette, j’en profite peu –je suis autonome- mais celui ci je m’arrête pour m’arroser. Je frise le coup de chaud malgré la relative fraicheur.
On se trouve exactement sous l’Eiger. Je cherche les chemins d’accès à la face Nord qui sont juste là à portée de mollet. Je décode un peu de l’itinéraire mythique de cette face. Impressionnant…et distrayant.
Encore un bon et long effort qui dure, qui dure et se ponctue par 400m de poussette à pied sur la fin, le chemin devenant très raide (personne ne peut rester sur le vtt), et puis c’est le col, l’ambiance, le monde. Contraste soudain et nouveau dilemme de la veste coupe-vent…qui n’est est pas un plus pour moi. Un arrêt bref pour baisser la pression de mes pneus et je plonge direct dans la descente, porté vers Wengen là bas bien plus bas.
Grosse descente sur une piste carrossable avec quelques belles trajectoires à soigner et de bonnes pointes de vitesse puis on aborde une zone plus technique jusqu’en vallée. Les freins chauffent et couinent, et plus encore lorsqu’une vache (suisse mais pas violette comme les Milka) barre le chemin. Freinage appuyé, petite photo : elle est en train de bouffer de la rubalise ! Je me régale, bien heureux d’être parti avec des pneus neufs et adaptés.

Changement de décor : prés, racines, chemins étroits, épingles fermées, c’est technique, un peu engagé mais ça passe bien.
De quoi apprécier et se faire quelques frayeurs à peu près contrôlées avant de rejoindre un bout de route.

Quelques kilomètres sur le bitume et me voilà à la transition vers la course à pied, au lieu même du bivouac-dodo de la nuit dernière.
Le VTT est bouclé après 35km et 1260m de d+ en un peu plus de 2 heures. Un coup d’œil au tableau des pénalités pour voir si je suis concerné : le drafting du vélo aurait pu me coûter 5min à priori. Même pas ! Mais que fait la police ?..
Rapide transition en 7min (très rapide pour moi à ce stade d’un triathlon) je repars pour ce dernier bon morceau : 25km avec 2240m D+ et une arrivée à 3000m d’altitude.

Je fais l’effort de galoper l’essentiel des 5km du fond de vallée mais quand la piste s’incline pour monter vers Mürren 800m de D+ sur environ 10km, je marche presque intégralement. Ca ne m’éclate pas trop, ce n’est pas mémorable mais mon instinct me dicte de gérer car la fin tout là haut sera un gros morceau.

Le cadre, les falaises, les cascades et les paysages restent un décor qui me plait beaucoup. Traversée de Mürren, restent 6km et 1350m de deniv !
C’est parti pour une vadrouille en trail. Mes agents-attachés de presse – coachs- compteurs d’histoires – éboueurs (#FX et #Laurianne) sont avec moi depuis le début de cette section à pied. Je ne suis pas bavard mais c’est une compagnie qui fait du bien. Ils profitent, se remémorent des souvenirs de leurs Inferno 2014 et 2015, se motivent pour 2017 (sans doute) et partagent avec indulgence cette tranche de défi qui m’appartient.
Leur rôle d’éboueur mérite explication. Avec un ravito tous les 3 puis 2 kilomètres sur ces 25km, ils vont mettre un point d’honneur à ramasser tous les gobelets, emballages et déchets laissés par les coureurs sur 500m voir 1km après ces ravitos et bien après les ‘zones propres’ prévues à cet effet. Une très bonne action qu’ils ont eu le temps d’accomplir à merveille –ben oui, je me traîne un peu quand même- mais qui n’enlève rien à mon écoeuremment. Ce comportement est hyper répendu en triathlon et c’est prendre les bénévoles pour des bonich’s et surtout se foutre de la nature et de règles de respect de base. Je pense la même chose de plein de cyclistes et pour des passionnés d’outdoor qui aiment vadrouiller en extérieur, je ne comprends pas et ne comprendrais jamais ces dérives. Nous avons atteint un record de 52 gobelets et 20 emballages entre deux ravitos. Si c’est une normalité, alors je ne serais et ne voudrais jamais être un vrai triathlète. Mais je suis convaincu du contraire. Je vais donc vous demander à vous tous qui vivez pareilles situations de mettre un point d’honneur à montrer l’exemple. Respecter les zones, ramassez aussi et rappelez gentiment à l’ordre ceux qui pourraient pécher. Amen !
De grimpées raides en respirations plus courtes, le sommet approche doucement. Vallons, névés, brèches et ambiances d’altitude nous entourent. La fin est un régal.

Il y aura même des passages avec des mains courantes, quelques cordes fixes pour gagner enfin le point final de cet Inferno Triathlon : la plateforme de du Schiltorn à 3000m.

Il m’aura fallu 13h10 pour boucler ce parcours. Le sentiment d’une épreuve plus exigeante qu’un Ironman comme Nice mais sans doute un peu moins que l’Embrunman parce que un peu plus varié et un peu plus accessible.
Comme souvent en triathlon et plus encore en triathlon nature, le matériel a son importance et avoir des équipements et des composants éprouvés et bien réglés est une clef de réussite en plus d’être une source de plaisir.
Enfin le format en relais (de 2 à 4 personnes) de l’Inferno Tri est à gouter pour les adeptes de belles et grandes journée d ‘évasion parce qu’on partage le défi, que ça ne demande pas autant de préparation spécifique et que ça offre une tranche de vie au pays des petits suisses, des chocolats et des vaches violettes !
Tiens à nouveau ça me donne faim.. !

Merci à Laurianne Plaçais, F-x Cmt Bikes
et Cycletyres Team Cycletyres.com
Team HOKA Triathlon France, Hoka One One France, Hoka Team
INFERNO TriathlonAix Savoie Triathlon

À propos de l’auteur : Cléa D

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