MB Race. L’asthénie qui m’a envahi est presque agréable, fatigué mais enjoué, je jouis du sentiment du devoir accompli. Pourtant, j’ai fait une pause dans les escaliers entre les deux étages qui séparent mon bureau de l’entrée, les endorphines ayant surement contrecarré mon besoin (certain) d’utiliser l’ascenseur.

Je suis à plus de 1000km de Combloux, mais je sens encore la ferveur du public, la sueur coulait sur mon visage et la fraîcheur d’une fontaine de montagne.

Plusieurs nationalités et un millier de coureurs se sont, comme depuis 5 ans, donnés rendez-vous en Haute-Savoie pour affronter le monstrueux « ultra » de la MB Race. Les chiffres sont démoniaques, 140 kilomètres et 7000m de dénivelé positif. A rajouter à cela des descentes techniques, un soleil de plomb, peu de route et on trouve un vainqueur qui passera aux alentours des 9h sur le vélo. Nous sommes 2 du team Cycletyres-Addictiv à affronter la MB Race 140 kilomètres. Nicolas Cambus, du haut de ses 21 ans, qui va connaître sa première MB race et moi-même (Vincent ARNAUD). Une seule participation à mon actif en 2014, où j’ai pris la 5ème place au scratch. Le repas de la veille est avalé dans la bonne humeur, on blague sur la difficulté de la course du lendemain. Ce sera certainement la journée la plus longue de notre année cycliste. Je devrais surement essayer de mettre en confiance mon compère mais je ne suis pas du tout rassuré à l’idée d’affronter ce challenge tant mental que physique.

Le réveil sonne à 4h30, les paupières sont lourdes mais on espère que les jambes sont légères. Quelques flocons d’avoines, un peu d’eau et on se dirige vers le départ. Le soleil peine encore à éclairer notre route, mais la chaleur n’a aucun mal à nous faire ouvrir le maillot court. Oui il est 5h30, mais la chaleur est déjà de la partie. La cohorte de fous furieux s’élancera à 6h du matin de Combloux. Le sas 1 est rempli de marathoniens, le dossard 1 porté par Arnaud Rapillard fait figure de favori, il a la connaissance et l’expérience de ce genre d’effort. Emeric Turcat représente le deuxième favori de l’épreuve, il sort d’un championnat du monde non loin du top 40, vainqueur du Raid Vauban. Il faudra aussi compter sur Yoann Sert, récent vainqueur des chemins du soleil avec Emeric Turcat. Mon dossard 2 me donne aussi dans les favoris de l’épreuve. Ces dernières semaines furent difficiles mentalement et physiquement, cependant ces épreuves extrêmes me plaisent et j’espère pouvoir jouer devant. Nicolas Cambus sera aussi un très sérieux outsider après quelques podiums sur les grosses épreuves françaises. Nonobstant la fougue de la jeunesse le pousse à quelques pertes d’agilité et c’est souvent le sang qui se mêle à la sueur sur son corps. Quelques étrangers venus en nombres seront aussi de la partie.

La voix du speaker sur fond de bruit de cloche nous donne le décompte de cette éprouvante journée. Quelques quads pour nous ouvrir la route dans le but de quitter Combloux. Le rythme peu soutenu laisse la possibilité de balancer quelques blagues savamment ironiques. Ce seront quasiment les dernières paroles entre nous avant d’attaquer les premières rampes sur pistes forestières.

On se détache rapidement à 4, Emeric Turcat, Yohann Sert, Arnaud Rapillard et moi-même. Nicolas est à quelques hectomètres, il reviendra à la faveur de quelques descentes. Les premières bosses sont réalisées sur un tempo plutôt soutenu, aucun de nous 4 n’a l’air dans le rouge.

Il faudra attendre la descente du col du Jaillet pour voir les premiers écarts s’opérer. Je me détache en compagnie de Yohann et nous prenons quelques secondes d’avance. J’insiste un peu dans les portions techniques après le ravitaillement de la Giettaz et me détache tout seul.

La course est bel et bien lancée mais les écarts restent faibles. Il s’agit de ne pas se griller ou de faire trop d’efforts qui seront préjudiciables pour clôturer ces 140 kilomètres. J’essaye au maximum de bien boire et de manger en quantité. Frédéric Gombert, blessé et ne pouvant pas participer à la course, nous tends quelques victuailles atypiques… Crêpes, pizza ou boisson fraiches ! Aussi efficace sur une bicyclette qu’en ravitailleur, l’aguichante crêpe qu’il me fait gondoler devant les yeux finira sous mes molaires. C’est sur ce ravito somme toute original que j’entame la descente bouclant les 70 premiers kilomètres avec une avance de quelques minutes.

Changement de bidon, lubrification, quelques rafraichissements plus tard, je repars au sein du tracé dessiné sur ma plaque de cadre. Le passage au 70ème kilomètre me fait accélérer franchement, je commence à prendre une belle avance à l’amorce de l’ascension du point culminant du circuit. Les longues montées sur pistes me font apprécier le confort et le rendement de mon Thunder Burt 2.25 Snake Skin et de mon Rocket Ron 2.25 Snake Skin.

Comme dans toute belle histoire, un rebondissement dantesque viendra bouleverser la course que je sentais à ma main. C’est au Bettex que la situation a bien failli finir en eau de boudin. Le balisage jusque-là très bon, va venir à manquer. Après quelques hésitations, je suis remis sur le droit chemin par un spectateur venu nous encourager avec son vélo. Il m’aide à ouvrir des barrières en bois qui bloquent le passage des engins motorisés. Je commence à hésiter sur la bonne voie, mais l’assurance de mon éphémère guide me donne confiance. Ses explications sont tellement claires que je fonce tête baissée sur l’itinéraire qu’il me décrit. Je cherche en vain quelques panneaux avant de m’engager en direction du mont Joly. Des marcheurs au fait de la course m’encouragent en me promettant que le sommet n’est pas loin. La pente est quasi insurmontable, je pousse beaucoup mon vélo, je fais même quelques pauses tellement la chaleur et la pente me font souffrir. Quand j’entrevois enfin du balisage, c’est une libération. J’apprendrai par la suite que la plupart de mes compères du groupe de tête, ainsi que le vainqueur des 100km, ont eu la même expérience stressante quand on est en pleine course et en plein effort.

Bonne gestion de crise par les organisateurs et bonne remontée d’information puisque le balisage sera rétabli quelques minutes après mon passage. Seulement les premiers ont eu à hésiter entre les itinéraires. J’hérite de 20 minutes de pénalité à Megève. Je repars non loin de Emeric, alors deuxième de la course. On roule un peu ensemble, on s’entraide pour affronter les dernières difficultés. On s’échange boissons, nourritures et encouragements. Mes jambes tournent encore très bien, j’adopte un rythme proche de celui que je tenais au km 70. Je prends quelques hectomètres d’avance sur Emeric pour remplir nos bidons à une fontaine. Mon plateau de 34 dents m’obligeant à appuyer franchement sur les pédales pour basculer sur le vélo les derniers raidards avant le col du Jaillet. Je ne sens venir aucunes crampes, je ne ressens quasi pas de douleurs musculaires particulières. Ces sensations que l’on ressent les jours de grande forme.

J’avale la dernière grosse bosse sans flancher, ce n’est que les derniers faux plats sur le goudron pour rejoindre Combloux que mes jambes commencent à gondoler.

Ce n’est pas la première course que je gagne, mais elle a une saveur particulière, les émotions sont dévastatrices. Si j’en avais les larmes aux yeux en passant la ligne, le champagne qui vient me toucher les rétines, me tirera quelques larmes. Après 9h sur le vélo, de la douleur, des hésitations et beaucoup de fatigue, je suis à fleur de peau. Emeric arrive quelques minutes plus tard, on s’enlace, on se congratule. Finir est un énorme soulagement. Nicolas termine 3ème au scratch, je lui glisse à l’oreille que c’est à présent « un homme » avant de le congratuler. Il remporte la course en espoir ! Phénoménale journée pour l’équipe.

Le circuit et l’organisation sont bien rodés, les paysages sont phénoménaux. Un sacré weekend de fête !

Si tu peux gagner la MB Race,
Si tu peux être sur le podium de la MB Race,
Si tu peux épeler ton nom après avoir été finisher de la MB race,
« Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire,
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux encore que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils. »

À propos de l’auteur : Eglantine A

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