Nous sommes allés à la rencontre de l’équipe de Bike Café. Ce média, créé en 2015, fait son trou parmi les médias vélo les plus influents en France. Nous avons discuté avec Patrick Van Den Bossche et Matthieu Amielh. Le premier est fondateur du site alors que le deuxième est rédacteur en chef depuis un peu plus d’un an maintenant. Nous sommes revenus sur les origines et l’évolution du projet jusqu’à avoir aujourd’hui une équipe structurée autour de 7 personnes. Patrick et Matthieu nous livrent leur regard sur le phénomène gravel et nous en disent plus sur le futur de Bike Café. Liberté, passion et indépendance préservée du média sont des valeurs qui ressortent à la lecture de leur témoignage.
Aux origines de Bike Café
Parlez-nous de l’origine de Bike Café : d’où vient l’idée ? Comment s’est construite l’aventure ? Et pourquoi s’être lancé dans l’aventure en 1er lieu ?
Patrick : « Il n’y a pas de stratégie particulière derrière la création de Bike Café. En fait, j’éditais en association avec Eric Thouvenin (créateur d’Openrunner) un site dédié aux pratiques outdoor. Ce site s’appelait Track & News et nous traitions de sujets comme le trail running, la rando et le fast hiking, les courses d’orientation, le vélo… ski alpi, courses de traineaux… C’était très large : le point commun étant que tout cela se déroulait en plein air… »
« Nous avons fait cela pendant 4 ans avec un résultat financier ridicule nous permettant tout juste de payer nos frais ainsi que quelques journalistes et photographes, sans dégager moindre profit. Fin 2015, Eric qui gagnait sa vie avec Openrunner a dû faire un choix entre son investissement total sur son logiciel de tracés d’itinéraires avec la création de l’App pour mobile et notre « danseuse » : T&N… Je vous laisse deviner le résultat du choix… Du coup, me retrouvant seul juste au moment où nous avions découvert le gravel et le bikepacking lors des salons Eurobike où nous allions trainer, j’ai décidé de garder la partie vélo de T&N et de créer Bike Café. Nous avions déjà des succès d’audience remarquables sur l’angle vintage et sur ce fameux gravel, qui faisait douter la communauté cycliste (marques, pratiquants, médias, …). »
Un nom évocateur construit autour des cafés vélos anglo-saxons
Pourquoi avoir choisi le nom « Bike Café » d’ailleurs ? Que vous évoque ce terme ?
« Pour le choix du nom, il y a 2 raisons. En fait je suis blogueur depuis 13 ans et j’avais monté et animé pendant 3 ans un blog qui s’appelait Running Café pour le groupe Endurance Shop. La base line était : « la pause des runners ». Au moment où nous avons arrêté T&N, j’avais déjà rencontré et fait des articles sur un nouveau modèle de commerce de vélo importé des pays anglo-saxons et du Benelux : les Cafés vélos. Ça a fait « tilt » et j’ai déposé le nom, supprimé tout ce qui n’était pas vélo et choisi un nouveau logo. Bike Café était né. Si on développe un peu l’idée, la pause café est aussi un moment privilégié pour aller découvrir nos articles sur le site. »
Un côté personnel et des sujets diversifiés comme ligne éditoriale
Quelle est la ligne éditoriale de Bike Café ?
« La ligne éditoriale a toujours été floue afin de ne pas s’interdire de publier un bon sujet. Elle est le résultat au départ de mes intuitions. En dehors de quelques stages au CFPJ rue du Louvre, je ne suis pas un professionnel de la presse. L’agilité des publications numériques autorise des digressions impossibles dans la presse papier. Il y a un côté personnel dans un blog. Notre lectorat est à la fois fidèle et volatile et il faut surtout trouver des bons sujets ou des angles intéressants, à la fois pour le lecteur mais aussi pour nous qui les écrivons. N’ayant pas de pression financière (pas de pub, autofinancement par réinjection de mes piges presse à l’époque), j’étais en plus totalement libre d’écrire sur des sujets diversifiés. »
« Ensuite la ligne de conduite pour moi a été de me faufiler dans ce qui n’était pas traité par les autres. Le succès de Bike Café m’a donné raison au moins sur le gravel. Maintenant avec Matthieu et notre équipe éditoriale structurée dans le cadre d’une SAS créée en janvier 2021, les thèmes sont un peu moins aléatoires même si on garde une certain intuitivité. Le concept de reportages avec les marques ou de « Petits Guides » avec le Cyclo sont intéressants pour ceux qui nous les commandent mais également pour nous du point de vue journalistique. «
Un sentiment de liberté commun au gravel et à Bike Café
Dans un article, Patrick a écrit « Depuis 2015 j’avance, comme le petit poucet, en suivant les chemins jonchés de petits cailloux semés par le gravel », est-ce que l’histoire de Bike Café est comparable à un parcours de gravel ?
« Oui c’est la sensation que j’ai eue… C’est exactement cela… J’ai avancé en totale liberté avec ce média comme je roule sur ce vélo libertaire qu’est le gravel. Avec un gravel, on s’ouvre de nouveaux horizons plus aventureux, plus composites et Bike Café ce n’est que cela. J’ajouterais au mot liberté la curiosité qui est je pense l’apanage de notre site et qui va de pair également avec ce vélo qui se faufile partout. »
Une passion pour le gravel : pratique « protéiforme »
D’où vient cette passion pour le gravel ?
« J’ai un peu donné la réponse plus haut. La liberté est aujourd’hui relative, mais ce vélo qui m’a donné les clés de nouveaux territoires, a chez moi déclenché un vrai enthousiasme. Cette passion n’est pas exclusive. Actuellement j’en développe une autre sur le vélo single speed qui est tout aussi passionnante. »
Comment percevez-vous l’évolution dans le milieu du gravel ? Phénomène ponctuel ou véritable avancée pour le monde du vélo ?
« Le succès du gravel s’explique avant tout par l’évolution de la société. C’est un éco système en plein essor qui s’adapte en permanence au monde évolutif actuel. Contrairement aux univers vélo conventionnels : route et VTT, il s’est construit par la base des primo-pratiquants. Aujourd’hui les fédérations et autres institutions ont du mal à récupérer le bébé. Les marques ont eu du mal à comprendre le marché car elles étaient assises sur 2 fauteuils bien rentables ayant juste la préoccupation de faire admettre les disques sur la route pour vendre du vélo et à bouger en permanence les standards en VTT pour les même raisons. »
« Aujourd’hui, ceux qui viennent au gravel sont les routiers lassés de rouler en rang d’oignons moulés dans des lycras de carnaval et tassés par les voitures sur la route. Viennent également les VTTistes qui en ont marre de faire des ronds sur des sentiers techniques et qui veulent s’ouvrir à la polyvalence. Et puis il y a ceux que tout le monde oublie un peu : ceux qui se sont mis au vélo pour diverses raisons et notamment celles induites par la crise sanitaire. Ceux là apprécient le gravel polyvalent permettant de rouler un peu partout. C’est dans cette communion autour de ce vélo permissif que je vois une véritable avancée de ce vélo moins clivant. Son ancêtre étant peut-être la randonneuse, mais il faut vivre avec son temps et aujourd’hui le gravel est là et bien là. »
Matthieu : « J’ajouterai aussi que le gravel attire beaucoup de femmes et de jeunes pratiquants. C’est un phénomène que j’ai constaté sur de nombreuses épreuves, en France et en Europe. Cette présence féminine et de jeunes font beaucoup de bien au monde du vélo, encore très connoté « macho » et orientée performance, notamment sur le segment de la route. Le gravel séduit aussi bien les femmes que les hommes car il propose de l’aventure, une pratique où l’on place le curseur sportif là où le pratiquant le souhaite (de la simple balade le week-end à la compétition sous forme d’épreuve avec « spéciales chronométrées ») et une sécurité accrue en raison de l’absence des voitures. Le gravel est protéiforme. Il existe aujourd’hui différents profils de pratiquants, de vélos et d’épreuves et c’est ce qui fait la force de cette nouvelle discipline. »
Que diriez-vous aux gens qui n’ont pas encore sauté le pas vers le gravel ?
Patrick : « Franchement je ne dirais rien… Ah si, je leur dirais : faites du vélo et ayez le sourire. ;-) Je ne fais pas de prosélytisme pour le gravel. Même si je pense personnellement qu’il est sans doute le vélo le plus universel. »
Matthieu : « Je leur conseillerais d’essayer ! Et si la personne n’a jamais fait de vélo ou a peur de caler dans les montées ? Le gravel électrique est aussi un moyen sympa de sortir des sentiers battus et de (re)découvrir le vélo. »
Bike Café sera présent à Nature is Bike, événement gravel phare en juin
Sur quels événements peut-on vous croiser ?
Patrick : « L’équipe est présente sur différents événements. Nos chroniqueurs participent à des randos gravel ou des courses. Nous faisons des sorties de groupe avec des clubs Strava. Cette année, le point d’orgue sera à Nature is Bike (du 24 au 26 juin 2022). Nous aurons un stand, participerons à une course et animerons une conférence. »
Matthieu : « Nous devrions aussi être en capacité de vous présenter et vendre nos premiers produits dérivés Bike Café ;-) (tee-shirts et casquettes lifestyle). »
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Les tests produits, l’essence de Bike Café en premier lieu
En termes de matériel, vous testez beaucoup de produits. Lesquels vous ont marqué ? Et si vous deviez choisir un vélo ?
Patrick : « Oui c’est un peu l’ADN de Bike Café … C’est difficile de se prononcer sur le choix d’un vélo. Sur les tests, nos testeurs doivent faire des évaluations en fonction du « client cible ». Ils doivent faire abstraction de toute subjectivité sans émettre un avis trop personnel. Le vélo que j’ai choisi personnellement est construit autour d’un cadre en acier « made in France ». C’est un choix personnel et une conviction qu’il faut assumer financièrement ;-) J’ai opté pour un vélo unique : 2 paires de roues que j’inter-change en fonction de la mission du jour. Double plateau et transmission classique pour ne pas dépendre de l’électronique. »
Une équipe qui continue de s’agrandir…
Combien êtes-vous aujourd’hui dans la structure ? Comment vous organisez-vous et comment êtes-vous passé d’un petit blog à une équipe plus structurée ?
« Aujourd’hui nous sommes 4 associés dans la SAS et en 2022 nous serons 7. L’équipe régulière tourne autour de la dizaine de personnes. Nous avons aussi des « guests » qui peuvent nous fournir des articles que nous publions. Pour l’équipe structurée, je laisse la parole à Matthieu qui est notre rédac chef. »
Matthieu : « La rédaction-en-chef de Bike Café est une nouvelle aventure qui a démarré en janvier 2021 pour moi. Concrètement, mon travail consiste à organiser la rédaction. Définir des idées de sujets ainsi que la ligne éditoriale avec l’équipe rédactionnelle, relire les articles et faire des demandes auprès des marques de cycle pour obtenir du matériel de test et des informations/dossards presse auprès des organisateurs de course. Je dois aussi gérer le planning de publication par rapport à la saisonnalité, les tendances, l’actualité… Dès que j’ai un peu de temps (je collabore aussi avec d’autres médias vélo : Cyclist et BIKEéco), je rédige aussi des articles. »
« Je suis un mini-chef d’orchestre. Mais les forces vives de Bike Café, ce sont nos contributeurs/rédacteurs qui font vivre au quotidien notre média. Car nous sommes bien un média aujourd’hui. D’ailleurs, je tiens à remercier chaudement Dan de Rosilles, Laurent Biger, Philippe Aillaud, Hugues Grenon, Patrick Van Den Bossche, Jean-Louis Paul, Anne Fontanesi et des contributeurs plus occasionnels comme Jean-Lin Spriet, Jeanne Lepoix et Pierre de Meerler pour leur super boulot ! »
…et une nouvelle identité qui en découle
Vous avez récemment revu l’identité de Bike Café avec une évolution du logo, du site et une nouvelle ligne de vêtements. Quelles sont les évolutions auxquelles on peut s’attendre ? Avez-vous d’autres projets à venir
Patrick : « Effectivement l’arrivée dans l’équipe d’un « vrai » webmaster / graphiste (Coin Gosse) a été un apport formidable. Cela a permis de professionnaliser ce que je bricolais seul depuis plus de 3 ans. Chacun son métier. La remise à niveau technique du site et l’élaboration d’une ligne graphique étaient nécessaires pour développer également le modèle économique et rassurer les marques avec lesquelles nous collaborons. Nous allons bien sûr avancer sur les produits dérivés pour mesurer l’impact de notre marque. Cela nous fera pas devenir millionnaires, mais nous pourrons ainsi mesurer l’adhésion à Bike Café de notre lectorat en plus des mesures d’audience. Nous avons d’autres projets communautaires, mais chaque chose en son temps. Aujourd’hui nous cherchons un « community manager » pour gérer notre présence sur les réseaux sociaux. Nous venons de faire notre premier bilan financier, et sur cette base nous allons pouvoir élaborer une stratégie plus concrète. »