Des politiques cyclables européennes qui portent leurs fruits

Conséquence des chocs pétroliers, du trafic urbain et d’une certaine prise de conscience écologique, la pratique du vélo comme moyen de transport s’est fortement développée depuis les années 70-80. Certains pays ont misé sur le vélo pour tenter de limiter l’utilisation de la voiture individuelle en milieu urbain et développer une mobilité plus douce.

Pionniers en matière de politique cyclable, les Pays-Bas ont lancé un plan national d’envergure en 1990, le Masterplan Fiets. Financé par le budget des Transports jusqu’en 1997, ce programme a permis aux néerlandais de se doter d’un vaste territoire cyclable, efficace et durable. Aujourd’hui, la part modale du vélo dans les déplacements dépasse 50 % au centre-ville d’Amsterdam. Et l’on compte plus de vélos que d’habitants dans le pays (1,1 vélo / habitant) !

Au Danemark, l’autre paradis du vélo, la politique est longtemps restée une affaire locale, mais cela n’a pas empêché le pays de se constituer un réseau cyclable extrêmement dense que l’on peut chiffrer : 4433 km de voies nationales, 5874 km d’itinéraires régionaux et 2298 km de pistes cyclables locales. Résultat, le vélo représente 16 % des déplacements dans le pays (55 % au centre de Copenhague), avec un objectif de 50 % pour 2015. Pour y parvenir, une ligne de crédit spécifique pour le vélo d’un montant de 134 millions d’euros a récemment été ajoutée au budget national.

En Allemagne, un plan en faveur du vélo a également été mis en place sur la période 2002-2012, le National Radverkehrsplan (NRVP), inspiré du modèle néerlandais. L’état s’est ainsi engagé à doubler les fonds budgétaires pour la construction et l’entretien des pistes cyclables, en accordant également d’importants moyens pour financer des projets de R&D.  Cela a permis de créer l’ « Académie du vélo » en 2007 (pour la formation du personnel communal et l’information du public) et de contribuer à la promotion du système de vélos en libre-service « Call a Bike », qui devrait s’étendre à 80 villes du pays.

Au Royaume-Uni, le vélo est devenu une cause de santé publique, une manière de lutter contre l’obésité. En 2005 la « Cycling England », un organisme de coordination entre gouvernement et autorités locales, a permis à six grandes villes de bénéficier d’un budget de 7 millions de livres chacune pour développer l’infrastructure nécessaire : pistes cyclables et autres zones limitées à 20 miles. Bilan : l’usage du vélo s’est accru de 27 %. Tandis qu’à Londres, même si le péage urbain n’a été introduit qu’en 2003, la pratique du vélo avait déjà commencé à doubler depuis 1999.

Source : le club des villes et territoires cyclables

L’exemple français

Longtemps à la traîne, la France a vite rattrapé son retard en matière de politique cyclable. Aujourd’hui, on compte 25 millions de vélos sur le territoire, pour une part modale certes modeste de 3 % mais en forte progression dans les grandes villes (Lyon, Paris, Bordeaux). Cette évolution est due entre autres au « Schéma National des Véloroutes et des Voies Vertes », instauré en 1998 et révisé en 2010. Ce projet national a permis aux régions de bénéficier d’un budget de plusieurs millions d’euros chaque année de la part de l’Etat pour l’aménagement du territoire et notamment des voies et itinéraires cyclables. Le volontarisme de certaines collectivités a également joué à plein dans l’essor du vélo. C’est le cas de Strasbourg (Nord-Est de la France) qui a pris une nette longueur d’avance en développant ses premières pistes cyclables et voies à double-sens dès les années 80. Grâce à une politique soutenue en faveur des modes de déplacements doux, appuyée par le sénateur-maire Roland Ries, la ville a augmenté sa part modale vélo de 7,6 % (10% dans le centre-ville).

A Paris, la présence des Verts dans l’équipe municipale de Bertrand Delanoé a conduit à une transformation de l’espace publique au profit du vélo depuis 2001, souvent au grand dam des automobilistes. Couloirs de bus ouverts aux cyclistes, aménagements de voies cyclables sur les grands axes, augmentation du nombre d’arceaux pour le stationnement et autres campagnes de communication ont marqué la décennie, sans oublier le projet Vélib’ en 2007.

Par ailleurs, la DSCR (direction de la sécurité et de la circulation routière) avec l’aide du Certu (centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques) a initié en 2006  le « Code de la rue », variante améliorée du Code de la route. Cette « démarche participative » s’est concrétisée en 2010 par l’adoption par décrets d’une série de mesures pour améliorer les conditions de circulation des cyclistes. Parmi lesquelles la création de zones de rencontres (des voies limitées à 20 km/h où le piéton est prioritaire),  des zones 30 (limitées à 30 Km/h pour les véhicules) et notamment la généralisation des doubles-sens cyclables sur les voies à sens unique. « La modération de la vitesse a modifié la perception du risque pour le cycliste, et a permis de relancer la pratique du vélo », constate Thomas Jouanot du Certu. Désormais, toutes les communes devront se plier à ces nouvelles règles de circulation, sauf avis contraire des maires. Autre avancée pour les cyclistes, le « tourne-à-droite » ou « sas de sécurité » devant les feux tricolores. Il s’agit d’un espace délimité par un marquage au sol, qui donne la priorité aux cyclistes aux intersections pour tourner à gauche ou à droite. De quoi renforcer la sécurité des vélos tout en favorisant la coexistence des différents usagers de la rue.

La question du stationnement

Déterminant dans l’équation cyclable en ville, le stationnement constitue un levier de croissance important pour le vélo. L’infrastructure doit comprendre des emplacements nombreux et sécurisés, aussi bien dans l’espace public qu’à domicile. Un écueil qui grandit à mesure que la population cycliste augmente. Plusieurs types d’aménagements existent : abris collectifs ouverts, consignes individuelles et autres parkings surveillés, des lieux souvent installés aux abords des gares pour favoriser l’intermodalité. Exemples : 850 places à Strasbourg, près de 600 à Lille (Nord de la France). Dans le cadre d’un partenariat SNCF-région, les gares TER s’équipent progressivement de Vélostations : des espaces sécurisés et gardiennés, accessibles aux usagers avec leur titre de transport et pouvant accueillir des centaines de vélos.

Ces nouveaux parcs à vélos se développent en fonction des nouvelles normes urbaines, qui accordent toujours plus d’importance aux vélos. Depuis la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE), toute nouvelle réalisation ou rénovation urbaine doit s’accompagner d’aménagements cyclables. Même disposition pour le bâti : à partir du 1er janvier 2012, des locaux à vélos devront être installés dans les nouvelles constructions de logements ou de bureaux. Une mise en conformité des bâtiments existants sera même exigée dans le tertiaire. Encouragé par les pouvoirs publics à travers les PDE (plan de déplacements des entreprises), le vélo séduit de plus en plus de travailleurs. Dans la société ST Electronics à Grenoble (dans les Alpes), par exemple, près de 25 % des employés utilisent le vélo comme moyen de transport au quotidien. Même constat en milieu scolaire : grâce à des aménagements adéquats, 50 % des élèves du lycée Jacob à Montpellier (Sud de la France) pratique le vélo tous les jours, jusqu’à 80 % par beau temps.

Source : Ministère de l’Ecologie du Développement Durable

La révolution du vélo en libre-service

Sans doute la plus grande innovation en matière cyclable depuis l’invention du cycle, le vélo en libre-service VLS est un véritable phénomène de société, qui s’étend de Pékin à Montréal en passant par Paris et Barcelone. En quelques années, ce système de location s’est implanté dans les grandes villes, instaurant un nouveau marché et captant un public élargi. En offrant les avantages du vélo sans les inconvénients, le VLS a permis de lever certains freins à la pratique du vélo. A commencer par le stationnement : grâce aux stations, l’utilisateur n’a plus besoin de garer son vélo dans la rue ou chez lui. Il est libre de prendre un vélo à un endroit et de le laisser à un autre. Et il est à l’abri du vol, du vandalisme et des soucis d’entretien.

Aujourd’hui, une centaine de villes dans le monde a adopté le concept de vélos partagés, une vingtaine rien qu’en France. Avec comme plus beaux exemples Vélov’ à Lyon depuis 2005 et Vélib’ à Paris depuis 2007. Opéré par le publicitaire JCDecaux, le système parisien est le plus important au monde avec quelques 20 000 vélos répartis dans 1200 stations, pour 160 000 abonnés. Un succès puisque Vélib’ a permis d’augmenter de 20 % l’utilisation du vélo. « Le VLS s’est développé dans les pays où la pratique du vélo était relativement faible », souligne Hubert Peigné, M. vélo au ministère de l’Ecologie et du Développement Durable. « Là où le vélo a déjà sa place, comme dans le pays nordiques, ce type de service devient complémentaire et renforce encore la place du vélo ». Strasbourg et Montréal sont d’ailleurs en train de mettre en place leur service de VLS. Tous les systèmes ne fonctionnent pas de la même manière et ont chacun leur spécificité. Bixi en Espagne utilise la technologie mobile tandis que Call a Bike en Allemagne se passent de bornes. Aux Etats-Unis, certaines flottes de vélo sont équipées de GPS embarqués (B-Cycle). « On est en train d’inventer de nouveaux modes de consommation autour du vélo, à travers des services et des technologies variées », constate M. Peigné. Outre le VLS, le marché du cycle est devenu multiforme. Sans compter les modèles de loisirs, le vélo à assistance électrique (VAE) a notamment vu ses ventes se multiplier par quatre depuis 2005 (environ 20 000 unités annuelles).

Lire la suite de l’article

Source : Mobilite-durable.org

À propos de l’auteur : Citycle

Laissez un commentaire

Autres articles que vous pourriez aimer